Les bonnes conditions

Handicapé, inadapté, François ? 

Ce matin, une fois de plus, je me suis posée la question : qui est handicapé ou inadapté ?

François l’est-il vraiment ou sont-ce les circonstances mal gérées par les autres qui génèrent ce handicap, cette inadaptation? 

François part en week-end avec un groupe. 

Je lui parle à l’avance de ce départ. J’anticipe pour éviter la surprise, l’inquiétude, le doute, l’angoisse et les troubles du comportement qui peuvent en découler.
Ces troubles sont en général légers chez lui : grognements, résistance passive ou au contraire, hyperactivité, instabilité motrice. Mais ils me sont pénibles à gérer et entraînent aussi chez moi ce qu’on pourrait appeler des troubles du comportement : énervement, stress, colère, affolement, etc.

On arrive donc, un peu en avance comme toujours – « c’est là mon moindre défaut »-. Laissant François dans la voiture avec son iPad, je pars en éclaireur pour trouver son groupe. Je ne parviens pas à distinguer l’estafette au milieu de la dizaine d’autres. Pas de trace non plus des animateurs. Du reste, l’équipe a changé et je ne les connais pas. François, sans doute, pas davantage. Je finis par repérer le bon véhicule et m’approche du groupe de personnes qui attendent aussi. Une maman me dit qu’il y a peu de chances que les animateurs soient à l’heure car elle les a vus installés à la terrasse d’un café en train de boire un verre. Ils arrivent enfin. Pour mettre toutes les chances de mon côté, je rapproche la voiture de l’estafette : François me donne l’iPad et sort de la voiture. Personne ne lui parle : je ne distingue pas très bien qui est parent, qui est animateur. François embrasse un couple de parents : sans doute croit-il que ce sont les animateurs à moins qu’il n’ait déjà rencontré ces personnes, fort aimables du reste, à une autre occasion… Il s’engouffre dans l’estafette. On me dit que ce n’est pas dans celle-ci qu’il fera le voyage : il y en a une autre, me fait-on signe, plus loin, de l’autre côté de la rue. Je m’énerve et exprime un peu violemment mon mécontentement vis-à-vis de l’organisation. Flottement du côté des adultes présents. Je déloge François, non sans qu’il manifeste sa réprobation.

Grrr….

Il traverse la rue en courant vers les autres estafettes, sans regarder ; je hurle mais ne parviens pas à l’arrêter. Il se dirige vers les autres groupes, sans doute à la recherche du véhicule qui l’emmènera, et je le perds de vue. Je le cherche partout en l’appelant comme une âme en peine et finit par l’entendre rouspéter au loin mais sans le voir. Quel spectacle offre-t-on aux yeux et oreilles de tous ! J’enrage ! Un animateur le ramène. Et le comble, c’est que l’estafette dans laquelle il était entré en premier était finalement la bonne ! Il s’y installe à nouveau ; je lui dis au revoir, je m’excuse de mon emportement auprès des animateurs et je repars, contrariée. 

Conclusion : François, comme beaucoup d’autres handicapés mentaux a besoin d’être rassuré face aux situations inhabituelles. Je n’en veux pas à ces jeunes gens, bénévoles, et dévoués, qui emmènent nos enfants handicapés à la campagne en week-end – je leur suis au contraire très reconnaissante – mais je ne peux m’empêcher de penser que chaque départ crée un problème pour François par manque d’organisation. Et ce qui est valable pour ces week-ends-là l’est aussi pour tous les départs en séjour adapté que François a connus. Flou, hésitation, retard, piétinement parce qu’on attend… on attend quoi ? Parfois des retardataires, c’est vrai, et ceux-ci sont en faute car le retard d’une famille pénalise toutes les autres. Mais souvent, on ne comprend pas ce qui se passe. François non plus et c’est une situation qu’il supporte mal.  

Créer d’emblée un environnement rassurant car structuré et bien rodé est la condition sine qua non d’un bon départ… Et pas besoin d’un environnement adapté, non ! Un environnement normal, tout ce qu’il y a de plus normal !

Laisser un commentaire